Cela fait maintenant quasiment 4 ans et demi que j’ai quitté mes terres Françaises pour me lancer dans mon tour du monde en stop. En 53 mois, j’ai eu la chance ou la malchance de voir notre planète et ses habitants sous différentes facettes, des plus heureuses aux plus malheureuses. De la vision des campagnes Africaines, où trouver la nourriture quotidienne constituait pour les locaux un véritable défi, à celle des bidonvilles de Rio de Janeiro, Djakarta ou Bombay, où les familles, souvent fraichement venues des campagnes, s’entassaient les unes sur les autres, j’ai été secoué par différents types de vie difficile. Aujourd’hui à Calcutta en Inde, je souhaite partager avec vous mon séjour dans cette ville mais plus particulièrement, mon passage en tant que volontaire dans la mission de Mère Teresa. Cette expérience humaine très forte m’a permis de voir l’espace de quelques jours un microcosme de ce que notre planète peut offrir de pire. Ci-dessous, je vous propose un condensé de mon expérience.
Il est 4 heures du matin lorsque le dernier camion m’ayant pris en stop sur 700 kms rentre dans la périphérie de Calcutta. Après avoir parcouru plus de 1500 kms depuis la grande ville de Chennai, je suis fatigué mais heureux d’être arrivé à destination. Alors que le camion transportant des légumes s’enfonce dans les ruelles de la deuxième plus grande ville d’Inde (13,2 millions d’habitants), j’assiste au même spectacle que celui que m’avait offert mon arrivée dans l’immense ville de Bombay. Des milliers de personnes les unes à côté des autres dorment sur les trottoirs de la ville. Certains utilisent des cartons comme matelas, d’autres dorment à même le sol. Certains vivent leurs derniers jours, d’autres leurs premiers. Dans moins de 2 heures, le soleil se lèvera, il réveillera tous ces gens qui peut-être iront travailler, peut-être iront mendier ou tout simplement resteront-ils couchés au bord de la route à attendre la fin de la journée ou la fin de leurs jours. “Notre destin est écrit” m’avait dit un homme anglophone de la rue (rare !) avec qui j’avais discuté dans la ville d’Ahmedabad, dans l’Etat du Gujarat. “Nous ne pouvons pas changer notre destiné. Les Dieux ont voulu que nous soyons dans la rue, c’est ainsi, nous y resterons toute notre vie“. Ce type de fatalisme, chaque visiteur prenant le temps de discuter avec les locaux des classes défavorisées pourra le sentir d’une façon ou d’une autre.
Pendant la journée, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que certains de ces locaux, les plus faibles, sont littéralement en train de pourrir et de fondre comme de véritables glaces sous les 45 degrés de l’éprouvant soleil Indien. Bien sûr, avoir une discussion avec ces gens-là n’est pas une chose facile pour moi, ne parlant pas la langue locale, mais il n’est pas difficile de s’apercevoir que leur unique objectif est d’attendre la fin, d’attendre le jour où leur cœur ne battra plus. C’est à cette population, les plus pauvres d’entre les plus pauvres, que l’illustre Mère Teresa a donné toute sa vie. Arrivée en Inde en 1929, Mère Teresa fut reconnue 50 années plus tard avec le prix Nobel de la paix et de nombreux autres prix pour son impressionnant travail humanitaire.
En arrivant dans la ville de Calcutta, l’un de mes objectifs était de me rendre sur place afin de connaître un peu mieux son action mais aussi de rencontrer une des sœurs “sœur Jeanne d’Arc“, dont le contact m’avait été donné par son frère François. “Visiter la mission sera une belle expérience pour toi” me disait-il…
Une fois sur place, je rencontre cette fameuse sœur qui me dit “tu devrais t’engager en tant que volontaire pendant quelques jours, je suis sûre que tu en sortiras beaucoup. A 15h, il y a une session d’orientation pour les nouveaux volontaires, tu peux t’inscrire, c’est très facile, il n’y a aucune contrainte de temps, tu aides comme tu le veux. Ce sera aussi un moyen de rencontrer des volontaires venus des 4 coins du monde“. Heureux de la proposition, je décide de changer mes plans et de rester un peu plus dans cette ville, une ville que je voulais au départ quitter au plus vite, mais qui me verra rester finalement au total plus de 10 jours.
La mission de mère Teresa existe aujourd’hui à travers le monde mais c’est à Calcutta que se trouve son centre névralgique. 7 centres ayant des missions spécifiques s’occupent de centaines de défavorisés à travers la ville. L’un des centres est réservé aux enfants ayant des problèmes mentaux ou physiques (beaucoup de familles vivant dans la rue ne peuvent pas s’occuper d’enfants handicapés et les laissent parfois dans des poubelles, ils sont ensuite récupérés et amenés au centre prévu à cet effet), un autre s’occupe d’adultes ne pouvant vivre seuls, un autre s’occupe de femmes maltraitées, etc.
Tous les matins vers 7h, après la messe non obligatoire, tous les volontaires, qu’ils viennent d’Afrique, d’Amérique, d’Asie ou d’Europe, se retrouvent autour d’un thé avant de partir en mission dans leur centre respectif. A ma grande surprise, ces volontaires ne sont souvent pas des travailleurs sociaux, ce sont simplement des jeunes, sortis souvent des meilleures écoles de commerce ou d’ingénieurs, souhaitant donner quelques mois de leur vie pour aider, ouvrir leur esprit et apprendre. Certains sont croyants, d’autres pas du tout, les profils et motivations sont très différentes lorsque l’on discute avec certains d’entre eux. “Lorsque j’étais en France, je ressentais le besoin de me rendre utile et j’ai appris qu’il était facile de devenir volontaire ici, je suis donc venu et je n’ai jamais regretté, j’ai appris tant de choses ici” me dira Arnaud, l’un d’entre eux qui s’est engagé sur 5 mois. Un autre, Arthur, verra quant à lui dans son séjour “un moyen d’ouvrir son esprit et de devenir plus humble“. Cette tendance de donner quelques mois est assez récente mais ô ! combien intéressante dans un monde où trop de gens ne pensent qu’à leur satisfaction personnelle et à amasser des sommes d’argent toujours plus importantes…
Photo ci-dessous de certains volontaires Français avec qui j’ai passé plusieurs jours à Calcutta. Durant mon séjour, j’ai logé dans le dortoir de l’armée du salut qui permet aux volontaires d’avoir un lit pour 1,20 Euros la nuit.
Comme je l’ai dit précédemment, les centres sont un condensé de ce qui existe de pire sur terre. Pendant mon séjour, le centre que je fréquentais le plus s’appelait “Prem dam“, un centre pour adultes ayant toutes sortes de problèmes. Lorsqu’on se balade dans les allées du dortoir de “Prem dam“, on y trouve de tout. Ce monsieur est victime du Sida et n’a plus que quelques jours à vivre, ce monsieur a une tuberculose et ne peut plus manger quoi que ce soit, ce monsieur vient d’être ramené de la gare, il était allongé par terre et se faisait manger par des vers, sa dernière douche doit remonter à 4 ou 5 ans, Ce monsieur est handicapé physique et n’a pas de famille pour l’aider, il vivait dans la rue sans chaise roulante et tentait de gagner quelques pièces pour survivre en mendiant, ce monsieur a une tumeur au niveau du cou qui n’a jamais été soignée, sa tumeur fait aujourd’hui la taille de sa tête et lui pose de nombreux problèmes, ce monsieur au fond à droite du dortoir est autiste, il passe ses journées à taper par terre avec son poing et refuse toute aide ou tout contact avec quiconque. Bref, vous l’avez compris, les profils là aussi sont des plus variés.
Ci-dessous, une photo du dortoir de “Prem dam” et deux autres prises dans l’enceinte du centre (repas et à l’extérieur).
A l’inverse des nombreuses ONG que j’ai visité pendant mes 4 ans et demi de tour du monde -souhaitant souvent s’attaquer aux causes de la pauvreté et à investir dans l’éducation- la mission de mère Teresa ne va pas au delà d’une mission d’assistance sans aide à la réinsertion. Ce sujet alimente la controverse, mais comment reprocher quoi que ce soit à ces sœurs et ces volontaires faisant un travail fabuleux afin de permettre à ces gens de retrouver quelque peu une dignité perdue depuis bien longtemps ?
Ces quelques jours passés dans ce centre m’ont permis certes de donner un petit coup de main mais surtout d’interagir avec des gens qui n’ont souvent absolument rien, ni famille, ni possession, ni même orgueil. A la question “que puis-je faire pour aider ?”, un des volontaires répondra “tu verras par toi-même, il te faut prendre des initiatives et comprendre ce dont les patients peuvent avoir besoin“. Ainsi, pendant quelques jours, j’ai eu l’occasion de nourrir des gens ne pouvant le faire seul, d’aider des handicapés à se déplacer, de raser des infirmes ou encore d’apporter des verres d’eau ou de la nourriture à des gens n’ayant probablement jamais reçu la moindre attention pendant toute leur vie. “Il ne faut pas se leurrer, nous ne changerons pas leur vie mais au moins nous pouvons leur apporter un peu d’amour et de dignité, c’est mieux que rien” me dira Neil, un volontaire Américain qui lui, vient de terminer un MBA dans une grande université du Massachussetts.
Ci-dessous, 2 photos prises dans le centre. L’un des moments marquants de mon séjour aura été le décès d’un des patients atteint de tuberculose à qui je venais de donner à manger (pastèque).
Et d’autres photos de volontaires, certains faisant des massages aux patients, d’autres leur rasant la tête, d’autres faisant la vaisselle.
Dispensaire
Durant mes quelques jours passés chez mère Teresa, je me suis également rendu une journée au dispensaire, le lieu où sont donnés les premiers soins gratuits aux personnes de la rue. Cette expérience fut sans doute l’une des plus difficiles de mon tour du monde. Ce que l’on voit dans ce dispensaire sont des choses absolument impensables dans l’occident. Ainsi, certaines personnes s’étant blessées plusieurs semaines, mois ou années auparavant et n’ayant jamais désinfecté leurs plaies viennent parfois avec des pieds faisant 3 fois la taille normale, avec des tunnels à l’intérieur formés par des centaines de vers, des jambes complètement pourries n’attendant qu’à être amputées, etc. Je ne vous le cacherai pas, à la première vision d’un pied rempli de vers, je n’étais vraiment pas loin de tomber malade devant le patient…Faire un bandage à un cul de jatte ou assister à l’amputation de doigts de pied pourris avec des ciseaux sans réaction du patient furent également des moments particulièrement pénibles.
Ci-dessous, une photo du dispensaire. Je n’ai bien entendu pas pris de photo des choses horribles que les volontaires et sœurs ont dû traiter…
Léproserie
Avec une estimation de 12 millions de malades dans le monde dont la moitié en Afrique et en Inde, la lèpre n’est pas encore éradiquée de notre planète même si tous les traitements existent pour terminer cette maladie. Parmi les centres montés par mère Teresa, la léproserie est un de ses plus grands succès. Plus de 400 lépreux des environs de Calcutta vivent ensemble et travaillent à la fabrication de saris pour faire vivre le centre. La lèpre représente en Inde bien davantage qu’une simple maladie. Elle est souvent vue comme un mauvais sort infligé à la famille et les victimes sont fréquemment exclues du cercle familial de peur de ne pas pouvoir trouver de familles souhaitant marier les frères et sœurs. “Plus que des douleurs physiques, les pensionnaires de ce centre ont souvent de terribles douleurs morales du fait de l’abandon de leur famille” m’expliquait le guide dirigeant la visite faite pour les volontaires…La visite de ce centre fut une excellente expérience.
Pour terminer, une photo d’un rickshaw. Calcutta est la dernière ville en Inde a posséder des rickshaws humains. Ceux-ci sont en théorie interdits mais sont toujours bien présents…
A bientôt
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