La vidéo :
Le récit :
“Et le grand gagnant est… le numéro 854, Mme Monique Hubler !!!”
Nous sommes au mois de Novembre 2008. Il est environ 17h lorsque ma maman, toute heureuse, empoche le gros lot de la tombola : Un joli VTC (vélo tout chemin) gris, flambant neuf. Certes un peu lourd mais tout à fait fonctionnel.
Un très beau cadeau dont rêveraient sans doute de nombreuses personnes mais pas tout à fait approprié pour ma maman qui ne fait tout simplement jamais de vélo et qui n’a semble-t-il, pas l’intention d’en faire.
“Il te sera plus utile qu’à moi” me dit-elle en souriant tout en me le donnant, me demandant d’en faire bon usage.
Chouette, un nouveau vélo, la chance est avec moi ! Moi qui n’avais plus de vélo depuis mes années lycée, voire collège, soit une bonne vingtaine d’années !
Une bien belle surprise, mais un hic subsiste, et de taille ! Ce vélo est à Strasbourg et j’habite près de Nice, comment faire ?
Entre 2008 et 2015, alors que le vélo prend la poussière dans le garage de mes parents, la question me revient régulièrement, surtout à l’approche de chaque printemps…
Au mois de Novembre 2014, alors que je termine à peine mon premier marathon, ce qui constituait un véritable défi sportif pour moi, je prends la décision qu’une fois par an, je ferai un défi sportif d’une nature différente. Et si celui de 2015 pouvait être une descente Strasbourg-Eze en vélo ? Un moyen de descendre mon vélo, de réaliser un défi sportif et de faire en même temps la promotion de l’association Travel With A Mission (TWAM) que je dirige. L’idée me séduit de suite. J’en parle à mon ami et collègue Jérémie Béclair, il est partant. Nous nous organisons. le départ se fera le 6 novembre et nous arriverons à Eze, mon lieu d’habitation, le 20 novembre. Google map me prédit 1102 kms, la réalité des petits chemins nous fera finalement faire 1287 Kms.
Jour 1
Le 6 novembre 2015, le soleil est de la partie. Nous sommes certes en plein automne et la neige n’est pas rare à cette époque mais les cieux semblent vouloir nous accompagner pour rendre notre départ plus agréable.
Au départ, ce n’est pas Jérémie et moi sur la ligne de départ mais Milan et moi. Jérémie est quant à lui parti 1 jour avant car nous avons un stand TWAM à Colmar pour le Salon du voyage et du tourisme les 6,7 et 8 novembre. Milan Bihlmann, quant à lui, s’est rajouté en dernière minute sur le projet après avoir trouvé un VTT prêté par un ami via les réseaux sociaux.
Nous ne sommes pas seuls au moment du top départ. Autour de nous, plus de 150 jeunes du lycée Emile Mathis ayant participé à 3 conférences animées les 5 et 6 novembre. Depuis 2 mois, grâce à leurs professeurs, ils utilisent mon tour du monde en stop, et notamment mon livre, comme support de cours. Arts plastiques, histoire, géographie, français, anglais, un tour du monde peut être servi à toutes les sauces.
C’est donc sous les encouragements de tous ces jeunes, accompagnés de leurs professeurs, et après un spectacle de diabolo de Milan, l’une des cordes qu’il dispose à son arc, que nous partons… Les routes Alsaciennes s’ouvrent à nous, elles seront suivies par bien d’autres jusqu’à notre destination finale.
A ce moment précis, je ressens à nouveau cette sensation si spécifique aux démarrages d’aventures. Un mélange d’excitation, de bonheur mais aussi d’angoisse et d’inconnu. Les questions sont nombreuses dans ma tête sont nombreuses : Vais-je y arriver alors que je n’ai que très peu d’entraînement (forcément, pas évident de se préparer sans vélo, je n’en ai loué qu’à 3 reprises) ? Va-t-on bien s’entendre tous les 3 durant tout le périple ? Va-t-on réussir à tenir un programme chargé avec de nombreuses conférences à la clé pour promouvoir TWAM ? J’oublie rapidement toutes ces questions pour me concentrer sur l’action, celle qui me fait tenir en équilibre.
Les premiers kilomètres se déroulent sans véritable difficulté. Le temps reste clément, les pistes cyclables sont nombreuses et généralement plates suivant le canal du Rhône au Rhin recouvert de magnifiques feuilles mortes.
Victime de notre départ tardif, notre premier obstacle est la nuit qui tombe trop tôt. Avant de partir, à la question de Marisol “Allez-vous rouler de nuit ?“, j’avais répondu par la négative. Malheureusement, tout au long de notre périple, ne pédalant sans doute pas suffisamment vite, nous roulerons très fréquemment la nuit, parfois non sans frayeurs aux bords de canaux ou de routes nationales avec des 3 tonnes nous devinant avec nos petites lumières.
Ce n’est que vers 21h30 que la statue de la liberté de Bartholdy, originaire de Colmar, nous tendra les bras, après plus de 40 kms dans l’obscurité totale. Nous rejoignons alors Jérémie, en plein repas avec d’autres exposants au salon.
Jour 2-3
Hasard du calendrier, le salon du tourisme rassemblant plus de 30.000 visiteurs chaque année se tient au moment de notre passage. Ayant été invités à avoir un stand, nous avons saisi l’opportunité pour promouvoir TWAM. Un repos bienvenu pour mes jambes après 90 premiers kilomètres mais surtout de nombreuses rencontres passionnantes et intéressantes pour TWAM.
Jour 4
Après ces 2 jours de repos salvateurs, les choses sérieuses débutent en ce 9 novembre 2015. A présent, nous n’aurons plus le moindre jour de repos avant notre destination finale à Eze. Première destination : Belfort. Nous empruntons alors l’Euro-vélo 5, l’une de ces pistes cyclables construites pour permettre une traversée de l’Europe à vélo. Une excellente initiative qui nous permettra d’avancer à notre rythme sans avoir à se soucier d’éventuelles voitures. Au cours de notre voyage, entre 60 et 70% du parcours aura été fait sur des pistes cyclables.
Jour 5
Les matins sont frisquets dans la région de Belfort mais c’est surtout le vent notre principal défi, qui souffle parfois fort contre nous, nous donnant cette désagréable sensation de ne pas avancer. Ce jour-ci, il nous faudra 130 kilomètres pour rejoindre Besançon, où nous apprécierons énormément l’accueil de nos hôtes, organisés avant le départ, mais surtout la douche chaude et le lit douillet.
Jour 6
Le 11 novembre, pendant que la France fête l’armistice, nous nous lançons à l’assaut du Jura. Certes, rien de comparable avec l’Himalaya ou même les Alpes, mais il n’empêche que les collines se succèdent les unes aux autres et que l’effort est constant, sauf dans les descentes toujours trop courtes. Dans le Jura, les pistes cyclables ont laissé place à des petites routes de campagne. Vaches, moutons, chèvres, ânes, oies, poneys se succèdent pour nous souhaiter la bienvenue. Le froid de l’automne est présent mais nous sommes bien couverts et n’en souffrons pas trop. Comme chaque jour, nous arrivons de nuit, cette fois à Arbois, petite commune dont je ne connaîtrais que l’école Montessori où nous ferons une petite intervention le matin du jour 7.
Jour 7
Nous pédalons du matin au soir. Loin des vitesses des vélos de course, nous avançons généralement entre 15 et 20 km/h sans compter les pauses collation ou film que nous nous octroyons de temps à autre. En tant qu’expert de l’audio-visuel, Milan adore s’arrêter régulièrement pour faire des prises de vues. Nous filmons puis le soir, sortons les photos des vidéos, une façon de faire qui m’emballe étant généralement sans cesse en train de jongler entre film et photo. Il n’y a plus à choisir à présent, on peut filmer tout en prenant des photos. Un système nous permettant par ailleurs d’avoir les meilleures prises de vue possibles. En arrivant dans une ville, après avoir sué et souffert toute la journée nous avons une tradition : une chanson de Rocky suivie de la chanson de Queen “We are the Champions“, une façon de s’encourager à aller toujours de l’avant, même lorsque les jambes sont lourdes et ne veulent plus répondre de rien. En ce 7ème jour, nous rejoignons Bourg-en-Bresse après une trentaine de kilomètres mémorables de nuit au bord d’une nationale, sans cesse aveuglés par les plein phares des voitures venant en sens inverse.
Jour 8
Après plus de 600 kms d’effort depuis Strasbourg, la ville de Lyon se présente à nous. Nous y sommes hébergés par Etienne, un ostéopathe qui nous fera des petits massages et des craquements de dos pour nous remettre d’aplomb. Mais l’information principale du jour, ce n’est pas à Lyon qu’elle se produit, mais à Paris. Alors que je m’exprime à Lyon sur le thème “La Paix est possible” racontant les principaux enseignements de mon périple autour du monde et ma foi dans la bonté humaine, nous apprenons qu’une bande de barbares vient de tuer 130 personnes dans différents endroits de Paris. Nous sommes le vendredi 13 novembre 2015 et sommes tous consternés par tant de violence et de lâcheté. Comment une telle chose peut-elle être possible ?
Jour 9
J’aime quand le destin nous envoie des signes. Alors que sur les réseaux sociaux, nombre de mes contacts cèdent au dangereux amalgame Musulman = terroriste, mon pneu lâche en même temps que ma chambre à air. Une rustine ne fait pas l’affaire, il me faut me rendre dans un magasin spécialisé. Je lève le pouce et un jeune musulman français d’origine algérienne s’arrête. Il m’emmenèra au magasin à 4kms plus loin puis me proposera de m’attendre et de me ramener. Une formidable bonté à souligner. Si mon tour du monde m’a appris une chose, c’est de se méfier des généralisations, l’exemple de ce Magrébin l’atteste une nouvelle fois. Nous rejoindrons ensuite Valence non sans difficulté après une nouvelle grosse étape de plus de 110 kms.
Jour 10 et 11
La Via Rhona est désormais notre plus fidèle amie. Nous suivons le Rhône et rejoignons Pierrelatte puis Avignon. Telles des machines, nos corps s’habituent à pédaler toute la journée et les douleurs de jambes lourdes s’effacent progressivement pour laisser la place aux douleurs de tendinites. De mon côté, celle-ci sont accompagnées par des douleurs aux fesses qui ne sont toujours pas partie au moment où j’écris ces lignes plus d’une semaine après notre retour. A Avignon, nous y interviendrons dans une université avant de rendre hommage aux victimes des attentats devant le Palais des Papes.
Jour 12
Départ très tôt pour rejoindre Marseille. Une étape record pour nous 3 : 135 kms. L’adrénaline est au rendez-vous en arrivant. Pendant plus d’une heure, nous slalomons entre les voitures, bus et autres camions mais quelle joie au moment d’apercevoir enfin la mer qui nous tendait les bras. Nous arrivons juste à temps pour une nouvelle intervention dans deux clubs Rotary rassemblés pour l’occasion puis profitons du jacuzzi de notre hôte auquel je pensais depuis des jours. Quel bonheur !
Jour 13
Mais la relaxation ne dure pas bien longtemps. Le lendemain, accompagné de mon ami Jean-luc, nous partons direction Toulon. Pour y parvenir, nous avons 2 solutions : Faire un détour d’une cinquantaine de kilomètres ou braver des cols, celui de la Gineste puis, la route des crêtes, réputé pour ses 30% de pente. Nous optons pour la deuxième solution qui nous offrira au passage un merveilleux panorama, une sorte de médicament pour oublier un effort pourtant très important.
Jour 14
Toulon-Fréjus. Encore une bonne centaine de kilomètres pour la journée qui sera finalement notre moyenne alors que nous avions prévu environ 80 kms par jour. Arrivé à Fréjus, pour la première fois, nous n’avons pas de logement. L’hôtel Kyriad acceptera finalement de nous inviter tous les 3 gratuitement et de nous offrir le repas pour nous encourager. Merci à eux.
Jour 15
La dernière ligne droite se fait dans l’allégresse. Quel plaisir de rouler au bord de la route et de se dire que l’objectif est quasiment atteint. Les bobos sont oubliés, nous profitons largement du magnifique paysage qui s’offre à nous. Mais à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée, à la sortie de Cannes, alors que Jérémie venait de se relever de sa première chute du parcours, le voilà qu’il pense à autre chose et me rentre dedans par l’arrière. Le choc n’est pas très violent mais l’est suffisamment pour voiler ma roue arrière qui ne tourne plus droit. Le compte à rebours est lancé. Il nous faut arriver à 16h à Eze car nous sommes reçus par le maire, les élus et les journalistes locaux pour un pot, accompagnés par les 2 femmes de ma vie, Marisol et Ana-Laura. Fort heureusement, nous trouvons à Golfe Juan notre sauveur puis sommes en mesure de repartir… et de finir. Le défi est relevé, nous en sommes tous très heureux. Les objectifs en terme de levée de fonds pour TWAM n’auront, eux, pas été à la hauteur des espérances, mais le travail continue pour que l’organisation continue son développement. Merci à tous ceux qui ont soutenu l’association et à tous ceux qui ont rendu la réalisation de ce défi plus aisé (ceux qui nous ont logé et nourri le soir, ceux qui nous ont aidé sur la route).
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