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J’ai été invité dans une communauté pygmée en RDC

Je connais Louis-Janvier depuis 2017, qui m’avait été virtuellement présenté par un ami commun, Frédéric.

Habitant Kinshasa en République Démocratique du Congo, il  dirige l’association COSFEMMES, cherchant à favoriser l’entreprenariat des femmes dans des zones dites vulnérables, aussi bien en zone urbaine que rurale.

Pour la première fois, nos deux structures collaborent car nous envoyons une volontaire qui agira à ses côtés. Elle s’appelle Fanny, elle a 73 ans et profite de sa pré-retraite pour se rendre de temps à autre en Afrique pour apporter sa pierre à l’édifice.

Vu qu’il s’agit de notre première mission à Kinshasa, bien que je sois déjà venu 2 fois précédemment dans cette ville et 7 fois dans d’autres parties du pays, je me rends sur place pour que tout soit bien cadré. 

Je veux aussi être du voyage car Louis-Janvier travaille depuis quelques mois avec une communauté pygmée très reculée et il leur a parlé de moi. Cela leur ferait visiblement plaisir que je vienne leur rendre visite. 

Je ne refuse jamais une invitation de pygmées et l’accepte donc avec plaisir. Il m’a prévenu : ils habitent dans une zone très reculée et n’ont, pour la plupart, jamais vu de blancs dans leur vie. 

La perspective m’enchante même si je sais d’expérience que je vais être assailli de demandes en tous genres. 

Je propose à Fanny de se joindre à nous pour ce voyage et elle accepte avec grand plaisir malgré ses 73 printemps. Je l’ai prévenue que le logement sera très rustique et la nourriture peut-être pas à son goût. Cela ne l’arrête pas et c’est tant mieux !

8 heures d’attente à l’aérodrome Ndolo

Pour se rendre dans la communauté, il faut d’abord se rendre dans la ville d’Inongo, ville non accessible par la route depuis la capitale. Ne pouvant prendre le bateau pendant plusieurs jours, je m’oriente vers un petit avion de la compagnie Kin Avia qui assure la liaison pour un prix très élevé (plus de 600 usd par personne en comptant les taxes, soit plus cher que mon vol pour venir depuis la France !!!). 

Ci-dessous, le point bleu est la capitale Kinshasa. La flèche rouge est Inongo.

« – Venez à 6h demain matin. Le vol partira à 8h »

Le réveil à 5h pique un peu mais nous arrivons à l’heure à l’aérodrome. 

Mes expériences passées de vols domestiques au Congo ont toujours été gérés de façon catastrophique avec des vols partant souvent 5-6h après l’heure prévue et aucune indication pour les passagers, sans mentionner la corruption à chaque étape avant d’arriver à l’avion. A Béni, dans l’Est du pays, j’ai même appris un jour la faillite de la compagnie d’aviation pour qui j’avais acheté un billet le jour du vol ! 

Ces expériences font que je ne suis nullement surpris quand j’apprends que le vol ne partira finalement pas à 8h mais… à 13h.

Heureusement, Fanny est très adaptable et fini sa nuit sur un banc public. Je m’allonge de mon côté dans un coin.

Après le passage d’une sécurité aléatoire dont le seul but semble être de récupérer un billet et une direction de la migration (même pour un vol interne) qui semble poursuivre le même but, nous sommes finalement prêts à embarquer. Il est 14h. 8h qu’on tourne en rond !

L’avion est petit, 19 personnes s’y installent. Le pilote est de type caucasien. On nous offre une petite bouteille de soda local à l’entrée de l’avion. Fanny n’est pas très à l’aise aux vrombissements des moteurs puis se rassure en prenant de la hauteur. 

 

La vue du dessus est magnifique ! Une nature riche et un imposant fleuve Congo séparant la RDC de ses voisins. Nous apercevons Brazzaville, capitale de l’autre congo en face de Kinshasa. 

Après 1h30 de vol, une piste en gravier se présente à nous. L’atterrissage est tout sauf tranquille mais nous arrivons en sécurité sur l’herbe d’Inongo et c’est tout ce qui m’importe.

Après une nouvelle salve de démarches administratives lors desquelles on nous redemande des sous sans réussir à obtenir de reçus en retour (insupportable de la part d’une administration !), nous parvenons enfin à rejoindre notre hôtel. 

Ce pays m’exaspère mais je ne cesse d’y retourner. Sans doute dois-je être un peu masochiste ?

Inongo est une petite ville abritant une estimation de 110.000 âmes (la RDC n’a qu’une estimation de population dans les zones reculées). Le lac autour duquel la ville s’est formée en est son poumon et le poisson est le repas favori des habitants.

Nous rejoignons ici Aimé, le partenaire local de Louis-Janvier.

Cette petite ville n’a guère d’intérêt si ce n’est qu’elle constitue le point de départ pour se rendre à Bolingo, la fameuse communauté pygmée où nous sommes attendus. 

Du fait du retard, nous ne partons que tôt le lendemain matin avec un cortège de 4 motos. 

Le trajet pour rejoindre la communauté de Bolingo (35 kms) dure 2h30 sur des petites routes pleines de trous, accessibles uniquement en 2 roues. 

Quelle expédition pour seulement 35 kms ! Distance tellement insignifiante pour nous. Malgré la difficulté de la route, Fanny ne bronche pas. Elle s’adapte avec le sourire.

Dans les villages que nous traversons, les locaux hallucinent de notre présence à l’arrière de motos. On nous explique qu’ils n’ont jamais vu de blancs pour la plupart et plus nous avançons, plus c’est le cas. La plupart nous saluent avec un grand sourire. Les plus jeunes partent parfois en courant dans leurs maisonnette construites en feuilles de bananiers. 

Je me sens en campagne électorale à dire bonjour à ces hordes de gens, souvent rassemblés, assis à se raconter leur vie pendant toute la journée.

On m’apprend que la coexistence entre les peuples Bantous et Pygmées est parfois difficile, les premiers rabaissant régulièrement les seconds, les traitant souvent de primitifs et peu intelligents. 

Je remarque cependant que les 2 peuples semblent cohabiter pacifiquement. Mais force est de constater que les pygmées ont un sentiment d’infériorité, baissant fréquemment la tête lorsqu’on leur parle et semblant avoir du mal à intégrer ce qui leur est expliqué. 

A Bolingo, Fanny et moi sommes accueillis en extraterrestres. 

« Mais que font ces 2 Mumdele par ici ? » semblent se demander tous ces gens aux yeux ébahis.

Puis vient le temps des prises de parole. On nous fait comprendre que nous sommes en retard de 24h, ce qui est vrai mais nous ne maîtrisons pas les retards de l’avion malheureusement et personne n’est joignable dans la communauté qui n’a ni réseau, ni électricité, ni eau potable. Nous nous en excusons. 

Les excuses sont acceptées mais notre retard n’est pas sans conséquence. Les chasseurs ne sont pas partis chasser hier car ils nous attendaient. Il n’y a donc rien à se mettre sous la dent aujourd’hui.

Chez les pygmées, on vit au jour le jour. Pas de chasse, pêche ou cueillette : pas de repas. C’est aussi simple que cela. Mais cela ne les effraient pas. Passer des repas est chose commune chez eux. C’est un peu plus surprenant pour nous ! 

Après les mots de bienvenue et de présentations de part et d’autres, il nous est annoncé que le chef coutumier du village, maquillé d’un bandeau au niveau des yeux, aux allures de Pyjamask, va réunir son comité pour discuter du message à nous transmettre. 

Une dizaine de personnes quittent l’abri en toit de chaume pour discuter d’un message commun à nous transmettre. La façon de procéder me surprend mais pourquoi pas ?

Sans surprise, ils reviennent ensuite avec leurs doléances :

« La communauté souffre beaucoup. La situation est très difficile ici, il nous faudrait : 

  • Centre de santé
  • École
  • Accès à l’eau potable
  • Etc.

La liste est longue.

Travel With A Mission, l’organisation que je dirige, cherche à favoriser l’engagement citoyen et la réalisation de projets d’intérêt général. 

Développer des projets d’intérêt général fait partie de nos compétences mais nos moyens sont limités et nous respectons un cahier des charges. 

Je leur explique tout d’abord que j’ai répondu favorablement à leur invitation dans un but de se connaître mutuellement et d’apprendre les uns des autres. Je pars toujours du principe que chaque interaction positive entre individus de culture différente est un vote pour un monde meilleur.

Je leur explique ensuite que j’ai bien noté leurs besoins, que je les comprends, mais que notre métier est avant tout d’envoyer des volontaires pouvant favoriser le transfert de compétences, ce qui peut aussi permettre le développement d’activités génératrices de revenus. 

Je leur explique enfin, avec toute la diplomatie du monde, que s’ils veulent sortir de la pauvreté, leur salut doit venir avant tout d’eux mêmes avant de venir des autres. Je valorise leur environnement en leur disant qu’ils ont une richesse formidable autour d’eux avec la végétation luxuriante : cacao, bananes, papayes et tant d’autres fruits et légumes à disposition qu’ils peuvent consommer ou vendre. Et s’ils ne trouvent pas leur bonheur dans ce qui leur est offert, ils peuvent aussi cultiver, chose qu’ils ne font que très peu.

Durant mon séjour de 2 jours, plus de 50 personnes ont dû me demander de l’argent.« Mbongo, Mbongo » fut sans doute le mot le plus entendu pendant mon séjour, souvent accompagné d’un geste signifiant « donne moi de l’argent ! ». Si je prends généralement ces remarques en dérision et avec le sourire, elles me fatiguent.

Ici, ce n’est pas le tourisme qui les a pourris. Ni même les organisations humanitaires. Ils n’ont jamais vu de blancs. Est-ce dans leurs gènes ? Quoi qu’il en soit, ils savent que le blanc a plus d’argent et selon eux, il faut leur en donner…

Ce virus du « Donne-moi » est terrible pour l’Afrique. Il est le premier frein à son développement. Et, disons les choses, il m’agace fortement ! Il faut un traitement à cette maladie et ce traitement s’appelle avant tout travail, discipline, organisation, planification, vision. Sans ces éléments, il n’y a aucun développement possible ! Mais faut-il absolument se développer ? La question reste ouverte. Le développement a bien sûr son intérêt mais aussi ses dangers…

L’expérience chez les pygmées s’avère cependant passionnante. Voir ce peuple de chasseurs-cueilleurs vivre comme à l’époque de la préhistoire est incroyable. 

J’aime voyager dans le temps. Quand j’étais en Afghanistan, je me sentais au Moyen-Age. Quand j’étais en Corée du Nord, je me sentais en pleine guerre froide. Mais là, je reviens beaucoup plus en arrière…

Mis à part quelques chaises en plastique, quelques bidons, quelques machettes et quelques seaux, il n’y a aucun objet « moderne » dans la communauté. Tout est fait main avec ce qui se trouve autour d’eux dans la nature.

Je m’amuse à passer de maisonnette à maisonnette et salue les gens qui semblent heureux que je sois là à découvrir leur mode de vie. Ici, une femme prépare les feuilles de manioc pour le repas du soir. Ici, un homme prépare une porte en bambou. Ici, un homme prépare une nasse pour aller pêcher et un autre un piège pour chasser. 

Les maisonnettes n’ont quasiment rien dedans. Ils dorment à même le sol ou parfois sur un « matelas » de bambou ou d’autres plantes.

Le lendemain, on m’amène un singe mort qui vient d’être tué.

« Voilà le repas pour aujourd’hui » me dit-on.

Je n’ai jamais mangé de singe de ma vie mais je m’adapte. Il sera accompagné de manioc. Celui-ci n’est pas très épais et n’a pas beaucoup de chair mais ça fera l’affaire.

On ne se pose pas trop de questions quand on est isolé dans la forêt. On mange ce qu’il y a et puis c’est tout !

Louis-Janvier me fait comprendre qu’il serait bien venu de faire un don à la communauté. C’était bien sûr dans mes intentions mais je souhaite le faire correctement. Distribuer des billets enverrait un message catastrophique, tout ce que je souhaite éviter.

Je traite cela avec le chef du village en lui disant que je trouverais bien que ce don serve pour un projet communautaire, par exemple pour l’achat de 10 machettes qui pourraient être utilisées dans la durée par la communauté. Il hoche de la tête. J’apprendrai peu après qu’il a distribué l’argent dans la communauté. Cela ne me ravit pas mais j’en prends acte. Penser long terme n’est pas dans les habitudes de tous ces gens…

Photo ci-dessous de la remise de l’argent que j’ai donné à une dame qui lui met à ses pieds avant qu’il ne les prenne. Je n’ai pas trop compris ils pourquoi procédaient ainsi.

Au-delà de cette petite donation, nous offrons ce que nous pouvons offrir. D’abord notre sourire. Puis des activités. Fanny organise un atelier dessin avec du papier et des stylos qu’elle avait ramené. De mon côté, mes chansons et danses classiques marchent toujours et provoquent une bonne ambiance. Nous jouons aussi au foot avec un « ballon » fait maison et à d’autres jeux.

Malgré leur pauvreté matérielle, les pygmées ne semblent pas être des gens tristes. Les chants et danses sont nombreux et j’adore voir leurs sourires sur les visages.

J’ai une grande responsabilité quand je viens dans ce genre de communautés si reculée. Vu qu’ils ne voient jamais de blancs, ils tireront vite la conclusion que les blancs sont sympas si je suis sympa et qu’ils ne le sont pas si je ne le suis pas. J’essaie de me montrer digne de cela…

Le séjour touche à sa fin et il est temps de repartir après avoir fait un dernier tour dans la forêt.

L’expérience fut très intéressante mais elle apporte aussi son lot d’interrogations. Autant, je suis convaincu en règle générale que l’aide au développement est nécessaire, si elle est bien faite bien sûr (c’est à dire sans assistanat – et, je le rappelle, aider l’Afrique, c’est aussi aider l’Europe sur le long terme). Autant je me pose des questions sur les bienfaits d’aider une communauté comme celle-ci, encore un peu ignorante du monde extérieur, même si elle semble le souhaiter. Les débats incessants entre membres de la communauté qui furent provoqués par notre présence en témoignent. Tout le monde ne semble pas prêt à l’ouverture au monde. C’est à eux de décider ce qui est bon pour eux…

J’espère au moins que notre présence aura montré que les blancs ne sont pas que des euros ambulants, qu’ils peuvent aussi s’amuser avec eux.

Pour ce qui est d’un envoi de volontaires, nous avons promis, suite à leur souhait, de mettre cette possibilité sur notre plateforme. Je ne sais pas cependant si je pousserai beaucoup dans ce sens.

Prêt pour le retour à présent.

J’espère que ce petit voyage en terre pygmées vous a plu.

Je termine avec une photo prise avec 3 hommes qui marchent 35 kms par jour, en sandale, pour vendre du poisson séché et ainsi gagner quelques euros. Ça met en perspective les efforts que nous faisons au quotidien…

A bientôt !

 

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