Vendredi 12 mars 2004, Quito, Equateur. Ça y est, après 1 mois passé dans ce joli petit pays qu’est l’Equateur, je ressors mon pouce favori et me prépare à partir pour plus de 1000 Kms d’auto-stop en direction de la Colombie.
La première étape consiste à parcourir les 300 Kms qui séparent Quito, capitale Equatorienne, de la frontière Colombienne. De station essence à station essence, je rejoins la ville de Tulcàn, ville frontalière peu intéressante, sans véritable difficulté. Les choses sérieuses doivent commencer le lendemain avec pour commencer le passage de la frontiere Colombienne…
La solitude de l’auto-stoppeur
Levé de bon matin, je me prépare pour une journée difficile. Cette journée doit non seulement me faire passer la frontière mais surtout la route Pasto-Popayan à la mauvaise réputation car contrôlée par la guérilla. “Si tu passes par ce chemin, vas-y de jour, les risques sont fortement diminués, ne t’amuses pas à faire du stop de nuit dans ces coins dangereux” me disait avant de partir une connaissance Colombienne. Message bien reçu mais je ne comptais de toute façon pas faire de stop la nuit en Colombie.
Dès 9 heures du matin, j’arrive à la frontière. Première surprise, passer la frontière se fit, à l’image des autres en Amérique du Sud, sans le moindre souci, un coup de tampon et hop, me voilà en Colombie.
La frontière passée, je me dirige alors vers les véhicules partant vers la Colombie. Rapidement, je m’aperçois que 95% des véhicules ne sont que des frontaliers faisant leur shopping à Ipiales (ville frontalière Colombienne) car le coût de la vie en Colombie est bien moindre de celui de l’Equateur (qui est le pays le plus cher d’Amérique du Sud depuis la dollarisation en 1999). Les 5% restants partent vers le nord mais assez rares sont ceux qui vont jusqu’à Cali, ville située tout de même à 8 heures de route au nord de la frontière. “Je vais à Rosas, je peux t’emmener si tu le souhaites, ça t’avancera de plus de 300 Kms” me dit un conducteur sympathique. En temps normal, une telle proposition aurait été acceptée avec joie mais voilà Rosas se trouve au beau milieu de la route Pasto-Popayan contrôlée par la guérilla et je refuse de me retrouver seul en position d’auto-stoppeur dans ces contrées trop risquées, je préfère attendre un peu plus et trouver un conducteur me permettant de traverser d’un seul coup ce tronçon et ainsi me rapprocher de Cali…et la suite me donnera raison…
10h30, samedi 13 mars. Toujours à la frontière, je cherche la voiture ou le camion qui pourrait me permettre de rejoindre la troisième plus grande ville de Colombie qu’est Cali (voir carte ci-dessous pour situer) et ainsi traverser d’un coup les zones risquées. Une voiture immatriculée à Bucamaranga (ville du nord-Est de la Colombie) s’approche à vitesse très réduite, je l’arrête et lui demande “Buenos dias señor, mi nombre es Ludovic, soy francès, estoy dando una vuelta al mundo tirando dedo y quisiera llegar a Cali, va usted en esa dirección ?” Quelques secondes plus tard, me voilà embarqué dans la voiture de Germán, petit chef d’entreprise remontant jusqu’à Bucamaranga et me proposant de m’emmener jusqu’à Cali, voire même un peu plus loin.
Je lui demande alors son point de vue sur cette route tant redoutée Pasto-Popayan “Tu sais, j’ai l’habitude de faire ce trajet, je le fais régulièrement, c’est effectivement risqué mais je passe toujours de jour, les risques sont bien moindres et je n’ai jamais eu de problème, pourvu que ça dure” me dit-il sereinement. Une centaine de kilomètres plus loin, une grande pancarte indique “Bienvenidos a Pasto“, c’est alors le début d’une zone que je souhaite passer le plus rapidement possible. Germán me raconte alors “la zone critique est un peu plus loin, dans les montagnes, il faut la passer à certaines heures, celles du jour, passer la nuit est bien trop risqué, les guérilleros travaillent à partir du coucher du soleil en général, nous n’aurons pas de souci“. Les kilomètres s’enchaînent alors et rentrons dans les montagnes, Germán explique “si jamais nous devions être arrêtés, ne dis pas un mot, ils remarqueraient que tu es étranger et ils aiment les étrangers si tu vois ce que je veux dire“…”Mais comment procèdent-ils ?” je lui demande alors. Germán répond “En général, ils se mettent derrière un de ces nombreux zig-zag (voir photo ci-dessous) de façon à ce que l’on ne les voit pas, notre vitesse est alors très faible car la route ne permet pas d’aller vite et, armés, à 3 ou 4, ils demandent l’arrêt du véhicule…”
2 des nombreux zig-zags dont fait allusion Germán, les guerilleros semble t-il aiment se cacher derrière…
Germán continue “Appuyer sur l’accélerateur à ce moment peut sembler tentant mais ces gens-là n’hésitent pas à tirer et ne ratent en général pas leur cible…Quand tu es arrêté, si tu as de la chance, ils te volent tout ce que tu as, si tu n’as pas de chance, ils te kidnappent, si tu n’as vraiment pas de chance, ils te tuent“…Sur ces paroles des plus rassurantes mais que je savais déjà (un passage en Colombie, ça se prépare…), nous traversons sans problème cette route qui, par ailleurs, est absolument superbe car au milieu des montagnes de la Cordillère des Andes (voir photos ci-dessous)…
Mais où vivent ces guerilleros ? “Parfois dans des cabanes dans la montagne, parfois dans ces petits villages que nous traversons régulièrement. Durant la journée, le guérillero est un homme comme les autres qui va au marché faire ses achats et le soir, il enfile ses bottes et ses habits et va voler. Ici c’est la guerre du silence, les gens savent mais ne parlent pas, le risque est trop grand” explique Germán. “Leur objectif ? Il y a quelques années, les guérilleros avaient une idéologie mais ils ont vite compris qu’obtenir le pouvoir était impossible pour eux, tout ce qu’ils souhaitent maintenant, c’est de l’argent“.
Une photo ci-dessous prise discrètement dans un des villages cités, peut-être certaines personnes sur la photo se transforment en guérilleros dès le coucher du soleil…
“Les zones à risque sont bien identifiées” raconte Germán, “Les Colombiens savent où il ne faut pas aller, les guérilleros ne sont en général jamais sur les axes majeurs de circulation ou dans les grandes villes, ce serait bien trop risqué pour eux“. Et pour cause, les militaires, les vrais, sont très présents en Colombie, ils donnent même l’impression d’être partout. Un exemple, lors de mon trajet jusqu’à Medellin, ville dans laquelle je me trouve actuellement, j’ai été arrêté une bonne dizaine de fois et fouillé 4 fois (voir photo ci-dessous prise près de Medellin alors que j’étais pris en stop par un groupe de pélerins). Le tout se fait dans une ambiance décontractée, les militaires étant en général très sympathiques.
Une petite cabane de militaires dans la montagne…
2 militaires marchant tranquillement, les militaires sont très présents…
Ce policier rencontré près de la ville de Pereira qui m’a aidé à trouver une voiture confirme “Les guérilleros opèrent la haut dans les montagnes, ici nous n’avons aucun souci, merci mon Dieu, je n’en ai jamais rencontré. Le principal problème que nous avons sont les petits voleurs de rue mais ceux-là existent dans les grandes villes du monde entier“.
Ainsi, j’ai pris les précautions nécessaires (jamais de stop la nuit, jamais le pouce tendu au bord de la route mais utilisation de la technique de la station essence voire demande d’aide aux policiers) pour éviter les problèmes lors de ce passage délicat et suis arrivé après 3 jours de stop dans la grande ville de Medellin sans difficulté majeure, les Colombiens étant par ailleurs des gens adorables.
Je pense rester environ 5 jours ici à Medellin, ville réputée dangereuse et connue pour son ex-cartel démantelé il y a quelques années qui avait à sa tête le fameux Pablo Escobar tué en 1993. Je vous donnerai mon point de vue sur cette ville dans quelques jours…
Avant de vous quitter, 2 jolies photos de la ville de Popayán, ville qui a su préserver une superbe architecture coloniale :
A bientôt.
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